Library / Literary Works

    Albert Samain

    Axilis au ruisseau

    Axilis, allongé sur l'herbe de la rive,
    Suit d'un œil nonchalant le clair ruisseau d'eau vive
    Qui court, léger d'aurore, au milieu des prés verts.
    Le bois s'éveille à peine, et les champs sont déserts...
    Axilis laisse errer sur sa flûte d'ébène
    Des doigts vagues qu'un même accord toujours ramène ;
    Car il semble exhalé, si limpide et si pur,
    Par des lèvres d'argent sur un roseau d'azur !
    Aux pentes des coteaux flottent des vapeurs blanches
    Et le matin mouillé sourit nu dans les branches.
    Le pâtre qu'une ivresse envahit lentement
    Sent tressaillir sous lui la terre obscurément.
    Il boit l'haleine en fleur de la saison nouvelle ;
    Il boit le lait sacré de la bonne Cybèle.
    Eaux courantes, bois verts, feuillage frémissant...
    Le clair frisson du monde a passé dans son sang !
    Dans l'herbe humide et drue, il plonge son visage ;
    Il voudrait sur son cœur serrer le paysage.
    La vie autour de lui circule ; il voit courir
    Mille insectes fiévreux qu'un soir fera mourir.
    L'oiseau vole ; le vent souffle ; la feuille tremble ;
    Le ciel est de cristal... Et voici qu'il lui semble
    Que son âme, pareille au reflet du bouleau,
    A fui, légère et vaine, au murmure de l'eau...




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