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    André Theuriet

    Vieille Ballade

    Au retour de la guerre et tout poudreux encore,
    Le bien-aimé heurtait à la porte sonore :

    — Pan ! pan ! — L’aube a rougi,
    Et ta porte est fermée ;
    Viens ouvrir, bien-aimée,
    À ton ami.
    Entends-tu l’hirondelle ?
    N’as-tu donc pas, ma belle,
    Assez dormi ?

    Il entra ; mais l’enfant dans un froid lit de planches
    Reposait, le front ceint de violettes blanches.

    — Le sommeil a blêmi
    Tes vives couleurs roses ;
    Rouvre tes lèvres closes
    Pour ton ami.
    Écoute ! le coq chante :
    N’as-tu donc pas, méchante,
    Assez dormi ?

    Le cercueil de sapin gisait sur la civière ;
    Lui n’y voulait pas croire et disait à la bière :

    — Tu voiles à demi
    Ton front… Que peux-tu craindre ?
    As-tu donc à te plaindre
    De ton ami ?
    Ah ! réveille-toi vite !
    N’as-tu, pauvre petite,
    Assez dormi ?

    On l’emportait. Déjà dans la nef blanche et noire
    Les psaumes résonnaient… Il n’y voulait pas croire :

    — Vois, le jour a grandi,
    Et le soleil boit l’ombre ;
    Mais sans toi tout est sombre
    Pour ton ami !
    Quand tout luit et bourdonne,
    Quoi ! n’as-tu pas, mignonne,
    Assez dormi ?

    Elle était dans la fosse, et lui doutait encore…
    Quand le gravier bondit sur le cercueil sonore :
    — Ah ! Dieu, tout est fini !
    Au tombeau, mon aimée,
    Qui t’a donc enfermée
    Sans ton ami ?
    Mourons, et qu’on m’enterre !
    Mon âme a sur la terre
    Assez dormi.




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