Library / Literary Works

    Anna de Noailles

    L’Image

    Pauvre faune qui va mourir
    Reflète-moi dans tes prunelles
    Et fais danser mon souvenir
    Entre les ombres éternelles.

    Va, et dis à ces morts pensifs
    À qui mes jeux auraient su plaire
    Que je rêve d’eux sous les ifs
    Où je passe petite et claire.

    Tu leur diras l’air de mon front
    Et ses bandelettes de laine,
    Ma bouche étroite et mes doigts ronds
    Qui sentent l’herbe et le troène,

    Tu diras mes gestes légers
    Qui se déplacent comme l’ombre
    Que balancent dans les vergers
    Les feuilles vives et sans nombre.

    Tu leur diras que j’ai souvent
    Les paupières lasses et lentes,
    Qu’au soir je danse et que le vent
    Dérange ma robe traînante.

    Tu leur diras que je m’endors
    Mes bras nus pliés sous ma tête,
    Que ma chair est comme de l’or
    Autour des veines violettes.

    –- Dis-leur comme ils sont doux à voir
    Mes cheveux bleus comme des prunes,
    Mes pieds pareils à des miroirs
    Et mes deux yeux couleur de lune,

    Et dis-leur que dans les soirs lourds,
    Couchée au bord frais des fontaines,
    J’eus le désir de leurs amours
    Et j’ai pressé leurs ombres vaines...




    VOUS POURRIEZ AUSSI ÊTRE INTÉRESSÉ PAR


    © 1991-2023 The Titi Tudorancea Bulletin | Titi Tudorancea® is a Registered Trademark | Conditions d'utilisation
    Contact