Library / Literary Works

    Anna de Noailles

    Le Pays

    Ma France, quand on a nourri son cœur latin
    Du lait de votre Gaule,
    Quand on a pris sa vie en vous comme le thym
    La fougère et le saule,

    Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
    L’odeur de vos feuillages,
    La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
    Dès l’aube de son âge.

    Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
    Chaudes comme la laine,
    On a fixé son âme et bâti sa maison
    Au bord de votre Seine,

    Quand on n’a jamais vu se lever le soleil
    Ni la lune renaître
    Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils,
    Vos chênes et vos hêtres,

    Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs,
    Vos fruits et vos châtaignes,
    On a bien médité dans la paix de vos soirs
    Les livres de Montaigne,

    Quand pendant vos étés luisants, où les lézards
    Sont verts comme des fèves.
    On a senti fleurir les chansons de Ronsard
    Au jardin de son rêve,

    Quand on a respiré les automnes sereins
    Où coulent vos résines,
    Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein
    Le cœur de Jean Racine,

    Quand votre nom, miroir de toute vérité,
    Émeut comme un visage,
    Alors on a conclu avec votre beauté
    Un si fort mariage

    Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
    Sur le monde flamboie,
    Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
    Qu’on a le plus de joie...




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