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    Émile Verhaeren

    Moine féodal

    D'autres, fils de barons et de princes royaux,
    Conservent tout altiers les orgueils féodaux.

    On les établit chefs de larges monastères
    Et leur nom resplendit dans les gloires austères.

    Ils ont, comme jadis l’aïeul avait sa tour,
    Leur cloître pour manoir et leurs moines pour cour.
    Ils s’assoient dans les plis cassés droit de leurs bures,
    Tels que des chevaliers dans l’acier des armures.

    Ils portent devant eux leur grande crosse en buis,
    Majestueusement comme un glaive conquis.

    Ils parlent au chapitre en justiciers gothiques,
    Et leur arrêt confond les pénitents mystiques,

    Ils rêvent de combats dont Dieu serait le prix
    Et de guerre menée à coup de crucifix.

    Ils sont les gardiens blancs des chrétiennes idées
    Qui restent au couchant sur le monde accoudées.

    Ils vivent sans sortir de leur rêve infécond,
    Mais ce rêve est si haut qu’on ne voit pas leur front.

    Leur chimère grandit et monte avec leur âge
    Et monte d’autant plus qu’on la cingle et l’outrage.

    Et jusqu’au bout leur foi luira d’un feu vermeil
    Comme un monument d’or ouvert dans le soleil.




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