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    Émile Verhaeren

    Soirs religieux

    Le déclin du soleil étend jusqu’aux lointains
    Son silence et sa paix que nul bruit net ne plisse,
    Les choses sont d’aspect photographique et lisse
    Et se détaillent clair sur des fonds byzantins.

    L’averse a sabré l’air de sa pluie et sa grêle.
    Et voici que le ciel luit comme un parvis bleu.
    Et que c’est l’heure où meurt à l’occident le feu
    Où l’argent de la nuit à l’or du jour se mêle.

    Sur l’horizon plus rien ne marque, si ce n’est
    Une allée immobile et géante de chênes
    Se prolongeant d’un trait jusqu’aux fermes prochaines
    Le long des champs en friche et des coins de genêt.

    Ces arbres vont — ainsi des moines mortuaires
    Qui passeraient, le cœur assombri par les soirs,
    Comme jadis partaient les longs pénitents noirs
    Péleriner, là-bas, vers d’anciens sanctuaires.

    Et la route d’amont toute large s’ouvrant
    Sur le couchant rougi comme un plant de pivoines.
    À voir ces arbres nus, à voir passer ces moines,
    On dirait qu’ils s’en vont ce soir, en double rang,
    Vers leur Dieu dont l’azur d’étoiles s’ensemence ;
    Et les astres, brillant là-haut sur leur chemin
    Semblent les feux de grands cierges, tenus en main,
    Dont on ne verrait pas monter la tige immense.




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