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    Henri Barbusse

    L'oubli

    Je ue la verrai presque plus…

    Je n’ai rien en moi qui résiste
    A ce qui fuit tout doucement.
    Je n’ai rien en moi qui m’assiste…
    Je m’assois au rayon dormant,
    J’écoute passer le jour triste,
    Je suis triste tout simplement.

    Dans la cour une voix ravie
    Chante un refrain toujours pareil
    Sur la route toujours suivie.
    Un rayon coule en ce sommeil ;
    Je sens le calme de la vie
    Qui ne dit rien dans le soleil.

    Mon mal est fini comme un drame.
    Nul remords, n’importe lequel.
    Le soleil traîne avec sa flamme
    Sur le mur, silence éternel.
    Et le jour passe dans mon âme
    Comme s’il passait dans le ciel.

    Je n’ai que la mélancolie
    D’avoir bien fini de souffrir ;
    Doucement, dans l’heure pâlie,
    Le rayon pâle vient s’offrir…
    Le printemps commence, et j’oublie,
    Je vais vivre, je vais mourir.

    Humble dans le soleil modeste,
    Je sens tout m’abandonner, tout.
    J’oublie un peu dans chaque geste.
    Tout s’endort, je ne suis plus fou.
    Ta chanson s’éloigne, et je reste,
    Et je ne pleure pas beaucoup.

    Pourtant, le long des grands espaces,
    Parfois il tressaille un adieu ;
    Parfois, à mes paupières lasses,
    Le jour tendre frémit un peu,
    Toi qui t’en vas, toi qui t’effaces,
    Toi qui montes dans le ciel bleu.

    Un reste de lumière trône
    Au firmament déjà bien noir ;
    Par la pauvre fenêtre jaune
    Le ciel a tremblé sans savoir ;
    Ton souvenir est une aumône
    Dans la misère de ce soir.




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