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    Jean de La Fontaine

    Les Frelons et les Mouches à miel

    A l’œuvre on connoist l’Artisan.
    Quelques rayons de miel sans maistre se trouverent :
    Des Frelons les reclamerent.
    Des Abeilles s’opposant,
    Devant certaine Guespe on traduisit la cause.
    Il estoit mal-aisé de decider la chose.
    Les témoins déposoient qu’autour de ces rayons
    Des animaux aîlez, bourdonnans, un peu longs,
    De couleur fort tannée, et tels que les Abeilles,
    Avoient long-tems paru. Mais quoy, dans les Frelons
    Ces enseignes estoient pareilles.
    La Guespe na sçachant que dire à ces raisons,
    Fit enqueste nouvelle ; et pour plus de lumiere,
    Entendit une fourmilliere.
    Le point n’en pût estre éclaircy.
    De grace, à quoy bon tout cecy ?
    Dit une Abeille fort prudente.
    Depuis tantost six moys que la cause est pendante,
    Nous voicy còmme aux premiers jours.
    Pendant cela le miel se gaste.
    Il est temps désormais que le Juge se haste :
    N’a-t-il point assez leché l’Ours ?
    Sans tant de contredits, et d’interlocutoires,
    Et de fatras, et de grimoires,
    Travaillons, les Frelons et nous :
    On verra qui sçait faire avec un suc si doux
    Des cellules si bien basties.
    Le refus des Frelons fit voir
    Que cét art passoit leur sçavoir :
    Et la Guespe adjugea le miel à leurs parties.
    Pleust à Dieu qu’on reglast ainsi tous les procez !
    Que des Turcs en cela l’on suivist la methode !
    Le simple sens commun nous tiendroit lieu de Code.
    Il ne faudroit point tant de frais.
    Au lieu qu’on nous mange, on nous gruge,
    On nous mine par des longueurs :
    On fait tant à la fin que l’huistre est pour le Juge,
    Les écailles pour les plaideurs.




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