Library / Literary Works

    Jules Barbey d’Aurevilly

    Chanson

    Oui ! restons masqués pour le monde !
    Il ne vaut pas ce qu’il verrait
    Dans notre intimité profonde,
    S’il en surprenait le secret !
    Il en abuserait, sans doute ;
    Il est si cruel et si bas !
    Ma Clara, pour toi je redoute
    Ce que, toi, tu ne connais pas !

    Toi, tu ne connais de la vie
    Que ce qu’en a rêvé ton cœur…
    Mais moi, Clara, je m’en défie…
    Je sais ce qu’elle a de menteur.
    Je sais combien font de blessures
    Les cœurs jaloux aux cœurs heureux…
    Nos masques seront nos armures !
    Masquons-nous, Clara, tu le veux !

    Glace tes yeux charmants que j’aime ;
    Fais mieux, ma Clara ! — remplis-les
    De dédain, de cruauté même…
    Ris de moi, je te le permets !
    Que jamais on ne puisse dire :
    « Voyez ! ils se font les yeux doux !
    « Ils ont l’un sur l’autre un empire… »
    Masquons-nous, Clara, masquons-nous !

    Tu n’en seras pas moins charmante,
    Et peut-être que tu seras,
    Fausse, encore plus enivrante,
    Et que mieux tu m’enivreras !
    Le charme est si grand, du mystère !
    Aux fronts blancs sied le masque noir…
    Mentir, c’est mieux que de se taire ;
    Se savoir, c’est plus que se voir !




    VOUS POURRIEZ AUSSI ÊTRE INTÉRESSÉ PAR


    © 1991-2023 The Titi Tudorancea Bulletin | Titi Tudorancea® is a Registered Trademark | Conditions d'utilisation
    Contact