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    Les frères Grimm

    La mort la plus douce

    On a cru longtemps que c'était la mort instantanée. On s'est trompé. Voici qui le prouvera.

    Un homme qui naguère avait rendu de grands services à sa patrie, et qui, par conséquent, était bien noté près du prince, eut le malheur, dans un moment d'égarement et de passion, de commettre un crime par suite duquel il fut jugé et condamné à mort.

    Prières et supplications n'y purent rien: on décida qu'il subirait son arrêt. Toutefois, eu égard à ses bons antécédents le prince lui laissa le choix de son genre de mort. En conséquence, l'huissier criminel alla le trouver dans sa prison et lui dit:

    — Le prince qui se souvient de vos anciens services, veut vous accorder une faveur: il a donc décidé qu'on vous laisserait le choix de votre genre de mort. Souvenez-vous seulement d'une chose, c'est qu'il faut que vous mouriez.

    Notre homme répondit:

    — Puisqu'il est entendu que je dois mourir, tout en déplorant la rigueur d'un destin cruel, je vous avouerai franchement que mourir de vieillesse m'a toujours paru la mort la plus douce; aussi est-ce pour cette mort-là que je me décide, puisque le prince a la bonté de me permettre de choisir.

    On eut beau lui faire tous les raisonnements du monde, rien n'ébranla son opinion; comme le prince avait donné sa parole, et qu'il n'était pas homme à y manquer, on se vit donc forcé de rendre la liberté au condamné, et d'attendre que la vieillesse se chargeât de mettre à exécution l'arrêt porté contre lui.




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