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    Jean-Pierre Claris de Florian

    Le Bœuf, le Cheval et l’Âne

    Un bœuf, un baudet, un cheval,
    Se disputaient la préséance.
    Un baudet ! direz-vous, tant d’orgueil lui sied mal.
    À qui l’orgueil sied-il ? et qui de nous ne pense
    Valoir ceux que le rang, les talents, la naissance,
    Élèvent au-dessus de nous ?
    Le bœuf, d’un ton modeste et doux,
    Alléguait ses nombreux services,
    Sa force, sa docilité ;
    Le coursier sa valeur, ses nobles exercices ;
    Et l’âne son utilité.
    Prenons, dit le cheval, les hommes pour arbitres :
    En voici venir trois, exposons-leur nos titres.
    Si deux sont d’un avis, le procès est jugé.
    Les trois hommes venus, notre bœuf est chargé
    D’être le rapporteur ; il explique l’affaire,
    Et demande le jugement ;
    Un des juges choisis, maquignon bas-normand,
    Crie aussitôt : La chose est claire,
    Le cheval a gagné. Non pas, mon cher confrère,
    Dit le second jugeur : c’était un gros meunier ;
    L’âne doit marcher le premier :
    Tout autre avis serait d’une injustice extrême.
    Oh ! que nenni, dit le troisième,
    Fermier de sa paroisse et riche laboureur ;
    Au bœuf appartient cet honneur.
    Quoi ! reprend le coursier, écumant de colère,
    Votre avis n’est dicté que par votre intérêt ?
    Eh mais, dit le Normand, par quoi donc, s’il vous plaît ?
    N’est-ce pas le code ordinaire ?




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