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    Théophile de Viau

    Ode

    Un fier démon, qui me menace
    De son triste et funeste accent,
    Contre mon amour innocent
    Gronde la haine et la disgrâce.

    On me rapporte que tes yeux,
    Dans leurs paupières languissantes,
    N'avaient plus ces flammes puissantes
    Qui blessaient les âmes des dieux.

    Nature est vraiment hardie
    Et le sort bien faux et malin
    D'assujettir le sang divin
    À l'effort d'une maladie.

    En détestant ses cruautés,
    Quelque peu qu'il m'en divertisse,
    Je crie contre l'injustice
    Que le Ciel fait à tes beautés.

    Depuis ce malheureux message,
    Qui m'a privé de tout repos,
    La tristesse a mis dans mes os
    Un tourment d'amour et de rage.

    Malade au lit d'où je ne sors,
    Je songe que je vois la Parque,
    Et que dans une même barque
    Nous passons le fleuve des morts.

    Si tu te deuils de mon absence,
    C'est un supplice d'amitié,
    Qui mérite autant de pitié
    Qu'elle a de peine et d'innocence.

    Je mourrai si tu meurs pour moi,
    Autrement je serais bien traître,
    Puisque le sort ne m'a fait naître
    Que pour mourir avecque toi.




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